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Le puits à souhaits

Stupide, stupide, stupide.
Je suis stupide.
Je ne me sentais pas si stupide cet après-midi, je pensais simplement être une bonne mère. C'était une belle journée, j'avais emmené ma fille en promenade et les feuilles aux magnifiques couleurs de l’automne craquaient sous nos pieds.
Nous nous promenions dans les petits chemins de forêt, pendant qu'elle posait mille et une questions, et qu'elle énumérait tous les contes de fée que ces bois lui évoquaient. Je l'ai calmement écoutée, amusée, lui ayant moi-même fait connaître ces contes.
Non, rien de tout cela n'était stupide.
S’approcher de ce vieux puits à souhaits l'était peut-être cela dit. Ma fille semblait enchantée de le découvrir.

« Tu l'as déjà fait, Maman ? Tu as déjà fait un souhait ici ? »
- J'en ai fait deux, lui ai-je répondu. La première fois, j'ai souhaité que tu naisses, et tu es venue au monde. Cela ne m'a coûté qu'une seule pièce. »

Elle a ri et m’a demandé ce qu’avait été mon second souhait.

« Ce souhait a été le plus sincère que j'ai jamais fait, car c'était encore pour toi.
- Mais tu m'avais déjà ? » avait-elle répondu.

J'ai souri.

« Oui, mais je ne voulais pas te perdre. J'ai fait le second souhait quand tu n’étais encore qu’un bébé, lorsque tu es tombée très malade et que les médecins disaient qu'il n'y avait pas d'espoir. J'étais tellement triste que j'ai envoyé un autre centime dans ce puits. Et ce souhait s'est également réalisé car ton état s'est amélioré. Es-tu contente de mon souhait ?
- Oui ! »

Je l'étais moi aussi. Et je ne mentais pas, j'avais bel et bien fait ce souhait.
Je ne lui ai cependant pas raconté toute l'histoire. Je ne lui ai pas dit comment, après avoir jeté la pièce dans le puits, celle-ci était revenue et avait atterri à mes pieds. Je ne lui ai pas dit que lorsque j'avais touché la pièce, j'avais tout de suite compris que la chose qui se trouvait là-bas - ou peut-être même le puits lui-même - émettait un souhait en retour. Il attendait bien plus qu'une petite pièce.

« Est-ce que papa a fait un vœu, lui aussi ? » avait-elle demandé.

Je savais qu'elle finirait par poser cette question. Elle pensait toujours à son père, bien qu'elle ne l'ait jamais vraiment connu. J'avais dit à tout le monde que mon mari nous avait abandonné, mais à elle, je lui avais juste raconté à quel point son père était un homme aimant et dévoué avant de se volatiliser. Dans son imagination, son père était une sorte de roi disparu de longue date, et elle, sa princesse.

« Non, lui ai-je répondu. Je n'ai jamais emmené ton papa ici. »

Sauf que je l'avais fait.
Une fois.
Parce que certains souhaits coûtent plus chers que d'autres.

En ce soir d’automne, quelqu’un est maintenant en train de frapper à ma porte, poussant des gémissements qui ressemblent vaguement à mon nom. Je peux sentir une odeur horrible. Une odeur de moisi, semblable à celle d’une cave ou d'une grotte humide.
Un long silence s'installe avant que le bruit de la fenêtre pulvérisée par une main squelettique ne vienne le chasser. L'odeur de moisi est lentement remplacée par la puanteur de la chair décomposée.

Stupide, stupide, stupide.
À quoi ai-je pensé ?
Quel autre souhait une petite fille aimant son père disparu aurait pu faire ?
Pourquoi lui ai-je donné cette pièce ?

Traduction de Kamus

Paranoïa spatiale

«  Sergent, réveillez-vous ! » 
  
Personne n'a envie d'entendre ça, surtout quand il est trois heures du matin. Mais même si on est à quelques milliers de kilomètres de la Terre, on n'arrive jamais à fuir nos responsabilités. J'ai soulevé le chat qui ronronnait tranquillement sur mon ventre, puis je me suis assis sur le bord de mon lit. 
  
«  Ça va, ça va, j'arrive. Que se passe-t-il encore ? 
- C'est Parker et Réno. Ils sont de retour de mission mais on a dû les enfermer. Ils sont très violents et tiennent des propos incompréhensibles. Il faut que vous leur parliez. » 
  
Je ne pensais pas qu'ils seraient de retour si vite. Il me semblait que leur mission devait durer plus d'une semaine. S'ils reviennent après deux jours seulement, c'est que quelque chose a mal tourné. Étant le plus haut gradé, ça va encore être pour ma pomme. Quelle idée j'ai eue d'accepter cette mission. Je hais ce vaisseau. Je hais l'espace, putain. 
  
«  Très bien. Inspectez leur navette de retour. J'avais dit au scientifique en chef de tenir un journal de mission, ça nous sera utile. Ah, et dites à Judith de me préparer un café, je pense ne pas pouvoir me recoucher avant un bon moment. » 
  
Après ce réveil pour le moins difficile, je me suis dirigé vers les cellules de confinement. Quand Jean me disait qu'ils étaient violents, il ne mentait pas. Dans leur cellule, Parker et Réno semblaient extrêmement nerveux. Ils hurlaient à plein poumons. 
  
«  On va tous mourir si on ne fait rien bordel ! 
- Libérez-nous ! Ou vous allez le regretter ! » 
  
Quand ils m'ont aperçu, ils m'ont directement interpellé. 
  
« Sergent. Vous êtes quelqu'un de sensé. Écoutez-moi. Il s'est passé quelque chose de terrible sur cette planète. 
- Réno, calmez-vous. Je ne sais pas quelle mouche vous pique mais vous avez intérêt à avoir une bonne raison de me faire lever à une heure pareille. Moi et le chat, on passait une nuit des plu- 
- On n'a pas le temps pour ça. Écoutez-moi. Tous les scientifiques présents sur cette planète sont morts. Tous les soldats... Nous sommes les seuls rescapés. » 

Moi qui étais encore de bonne humeur malgré ce réveil soudain, j'ai vite changé de ton. Mon visage s'est assombri. J'avais des amis sur cette planète... 

«  Que... ? Dites-moi que c'est juste une mauvaise blague. Je ne vous permets pas de plaisanter avec ça. Soldat, si c’est un mensonge, vous allez le regretter, je vous le garantis ! 
- Je n'oserais jamais, sergent. Voilà ce qui s'est passé... » 
  
Il m'a raconté toute l'histoire. Il semblerait qu'en faisant des tests sur une substance organique trouvée sur cette planète, les scientifiques auraient réveillé une matière capable d'infecter les êtres vivants et de les contrôler comme des marionnettes. Ils en prendraient le caractère et les souvenirs et seraient ainsi difficiles à identifier. N'importe qui pouvait être infecté. Parker et Réno avaient réussi à s'échapper de justesse en abattant tous leurs poursuivants. Je n'ai pas vraiment eu le temps d’y réfléchir, une alarme a retenti. Il n'a pas fallu longtemps avant de voir débouler Judith, mon café à la main. 
  
«  Sergent ! Le système a détecté un organisme étranger sur le vaisseau. » 
  
J'ai très vite compris ce qui s’était passé. 
  
«  Putain ! Vous l'avez ramenée avec vous ! Il faut trouver cette chose et la neutraliser avant qu'elle n'infecte quelqu'un. Soldat, libérez Parker et Réno. Il n'y a qu'eux qui savent contre quoi on se bat. Que tout le monde prenne son arme et se regroupe dans le hall. » 
  
Réno, Parker et moi nous sommes dirigés vers l'armurerie pour y prendre quelques fusils. 
  
«  Bon, comment on tue ces choses ? 
- Les balles suffisent, sergent. Quand cette chose contamine un être organique, il s'infiltre dans son organisme et en prend le contrôle en quelques minutes. Après cela, il ne peut pas sortir de l'hôte avant une bonne heure pour trouver un autre corps à contaminer. 
- Si elle a contaminé quelqu'un, on a donc encore une bonne demi-heure avant qu'elle ne puisse passer à un autre corps. Il faut saisir notre chance et tuer directement son premier hôte... Il ne faudra pas hésiter, si cette saloperie réussit à infecter un pilote, ou un gradé, il pourra donner l'ordre de rentrer sur Terre... Et là, ce sera la catastrophe... » 
  
Après nous être complètement équipés, nous sommes partis vers le hall. Sur le chemin, nous avons croisé Prince, le chat du vaisseau, qui avait lui aussi été réveillé en même temps que moi. J'ai voulu m'approcher de lui pour l'enfermer dans la salle de repos du vaisseau, mais j'ai entendu un coup de feu. Celui-ci toucha Prince, qui gisait maintenant dans une mare de sang. Je me suis retourné, et j'ai vu Parker, le fusil à l’épaule. Je lui ai sauté dessus et l'ai plaqué au sol. 
  
«  Putain Parker, c’était quoi ça ?! 
- Lâchez-moi ! Cette chose peut infecter n’importe quel organisme vivant ! » 
  
Je l'ai lâché. Il s'est relevé et m'a posé la main sur l'épaule. 
  
«  Je sais que vous teniez à ce chat, mais il ne fallait surtout pas le laisser s'échapper, s’il était contaminé, il aurait pu se cacher facilement et ainsi infecter quelqu'un d'autre. » 
  
Réno était penché sur le cadavre du félin. 
  
«  Regardez, il n'était pas infecté finalement. 
- Comment pouvez-vous le savoir ? 
- En nous évadant de la planète, nous avons croisé plusieurs cadavres. Certains avaient le sang vert... Nous sommes donc arrivés à la conclusion qu’une fois infecté, le sang des hôtes devient vert. » 
  
C’était une information très importante. J'ai pris mon arme, et l'ai pointée vers Parker et Réno. 
  
«  Bien, maintenant, vous allez prendre votre couteau, et vous allez me montrer la couleur de votre sang. » 
  
Ils semblaient interloqués. 
  
«  Sergent, si nous étions infectés, vous croyez vraiment qu'on vous aurait révélé tout- 
- Faites ce que je vous dis ! 
- Très bien, si cela peut vous rassurer. » 
  
Ils ont tous deux sorti leurs couteaux et se sont entaillé le pouce. De ceux-ci s'écoulait du sang, rouge. Tout à fait normal. 
  
«  Rassuré ? 
- Oui, continuons. » 
  
Nous avons repris notre marche vers le grand hall. Arrivés là-bas, le personnel du vaisseau ainsi que tous les soldats étaient rassemblés. Il fallait leur expliquer la situation, alors j’ai décidé de monter sur une table et m'adresser à eux. Je me suis donc dirigé vers la table la plus haute du hall, mais, une nouvelle fois, un coup de feu m’interrompit. C'était Réno. Il avait commencé à ouvrir le feu sur la foule, suivi de Parker. Un véritable bain de sang. Les soldats, pris de court et étant les premiers visés, n'avaient pour la plupart pas eu le temps de riposter. J'ai renversé la table, et j'ai plongé derrière, à l'abri. 
  
« Putain, qu’est-ce que vous foutez !? 
- Nous faisons ce qui doit être fait. N'importe qui peut être infecté. 
- Nous aurions pu les tester ! Vérifier leur sang ! 
- Le temps que nous les vérifiions tous, la chose aurait eu le temps de contaminer quelqu'un déjà testé. C'est vous qui l'avez dit : il ne faut pas hésiter. » 
  
Puis ils ont repris leurs tirs. Cela a duré plusieurs minutes. Des coups de feux, des portes qui s'ouvrent et se ferment. Après cela, j'ai jeté un œil au-dessus de la table. Il n'y avait plus qu'une seule personne debout : Parker. Réno gisait à terre, une balle dans la tête. Un soldat avait réussi à le tuer avant d'être tué à son tour. Parker semblait me chercher. 
  
«  Sergent, certains ont réussi à fuir vers la cabine de pilotage. Il faut les arrêter ! » 
  
Il fallait que je prenne une décision. Comme ils l'avaient dit, le test du sang n'était pas sûr. Je suis sorti de derrière ma table et me suis dirigé vers Parker. 
  
«  Oui... Vous avez fait le bon choix. Allons trouver un moyen d'arrêter ceux qui se sont réfugiés dans la cabine de pilotage. 
- Vous êtes quelqu'un de sensé. Allons-y, ne perdons pas de temps, cela va bientôt faire trente minutes. » 
  
Il a remis son arme à sa ceinture et s'est dirigé vers la grande porte. J'ai sorti mon arme et l'ai pointée vers sa tête. 
  
«  Sergent, qu'est-ce que vous fai- » 
  
J'ai tiré avant qu'il ne puisse finir sa phrase. Qu'il soit infecté ou non, je ne pouvais pas supporter de ne pas agir. Ils avaient tué mon équipage. Des innocents. Certains étaient mes amis. Ils avaient des familles qui les attendaient sur terre. Je me suis dirigé vers la grande porte. Évidemment, celle-ci était verrouillée. J'ai appuyé sur le bouton d'appel situé à côté de celle-ci. 
  
« Ici le sergent Gomez, répondez. Ouvrez cette porte. » 
  
Une voix familière m'avait répondu. Judith. Elle semblait paniquée. 
  
«  Sergent, je crains qu'on ne puisse pas faire ça. J'ai entendu votre conversation avec Parker tout à l'heure. Nous ne pouvons pas prendre le risque de vous ouvrir, vous pouvez être infecté. 
- Je ne le suis pas ! Je vous assure. Ouvrez cette porte, c'est un ordre. 
- Je suis désolée... Nous allons faire cap vers la terre, une fois là-bas les secours interviendront. 
- Ne faites pas ça ! Il ne faut pas que cette chose approche de la Terre ! 
- [...] 
- Judith ! JUDITH ! Vous ne savez pas ce que vous faites ! » 
  
Elle ne répondait plus. C'était une catastrophe. Si ce monstre arrive à pénétrer sur terre, il sera en mesure de prendre le contrôle de tous les êtres vivants de façon exponentielle. Il ne fallait pas être très malin pour déduire que c’était une très mauvaise idée de faire cap vers la terre, mais la peur vous fait faire n'importe quoi. Quoi qu'il en soit, ce vaisseau était sous ma responsabilité. Il fallait que je fasse quelque chose. Il n'y avait qu'une seule solution. Puisque je n'arriverais pas à convaincre les personnes enfermées dans le poste de pilotage, je devais arrêter le vaisseau, d'une manière ou d'une autre. Je me suis dirigé vers la cale, et j'ai activé par un code un ordinateur caché sous un panneau. La voix robotique de l'ordinateur m'a demandé ce que je voulais faire. 
  
« {Bonjour, Sergent Gomez, veuillez exprimer votre choix.} 
- Autodestruction du vaisseau. 
- {Vous avez choisi : autodestruction. Confirmez-vous ce choix ?} 
- Oui. 
- {Attention, vous avez cinq minutes pour annuler ce choix, une fois ce temps écoulé, il vous sera impossible d'annuler cet ordre. Veuillez énoncer votre mot de passe pour lancer le compte à rebours.} 
- Prince. 
- {Autodestruction dans dix minutes.} 
  
Une bonne chose de faite. J'avais maintenant cinq minutes pour convaincre Judith de m'ouvrir et d'annuler le retour sur Terre. Si je venais à échouer, au moins le vaisseau n'atteindrait jamais ma chère planète natale. Je suis retourné dans le hall et ai de nouveau appelé la cabine de pilotage. Cette fois, aucune réponse. Ils avaient sans doute désactivé toutes les communications du vaisseau. Je ne saurais jamais s’il y avait un infecté à l’intérieur, mais, une chose était sûre, cette chose mourrait ici, avec moi. J’aurais pu m’enfuir à bord d’une navette mais il aurait fallu que je franchisse la porte, verrouillée, devant moi. 
  
Je me suis installé sur un fauteuil du hall, avec une bouteille de whisky, histoire de savourer mes derniers instants convenablement. J'ai fait le tour du hall, la bouteille à la main. Sur une table, un petit cahier. "Journal de mission". Celui que j'avais demandé ce matin. J'ai regardé ma montre. Cinq minutes étaient passées. Plus question d'annuler. Il ne me restait que deux minutes à vivre. J'ai quand même feuilleté le journal et j'y ai trouvé quelque chose qui aurait pu tous nous sauver. Trop tard. 
  
"[...] Il semble qu’une fois un organisme infecté, son sang change radicalement. Pas à l’intérieur du corps, mais au contact de l'air. En effet, une fois exposé à l’air libre, on observe une réaction chimique qui change la couleur du sang, du rouge au vert. Ce procédé prend habituellement 10 bonnes minutes [...]" 
  
Le test de sang était bel est bien concluant, d'une certaine façon. Il était cependant impossible de le prouver immédiatement, ce que j'ai demandé à Parker et Réno ne servait donc à rien. Il aurait fallu que j'attende et que je vérifie leur sang après 10 minutes. 
  
«  Putain de Parker. Putain de Réno. S'ils n'avaient pas tiré sur la foule, j'aurais trouvé ce journal, et on aurait pu tous s'en sortir... » 
  
Il ne restait plus qu'une minute. J'ai inspecté le sol du hall et tous les cadavres qui le jonchaient. Il n'y avait que du rouge. Partout. Cela voulait dire que c’étaient tous des innocents. S’il y avait un infecté, il se trouvait dans le poste de pilotage. J'avais fait le bon choix. 
  
J'avais sauvé la Terre. 
  
A moins que... 
  
Il ne restait plus que vingt secondes avant l'explosion. Je me suis dirigé vers l'armurerie. Dans le couloir gisait le corps de Prince. Son sang était d'un vert très clair. 
  
Alors que mon corps était pulvérisé par l'explosion du vaisseau, j'ai hurlé du plus profond de mon âme :
  
«  MEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEERRRRRRDDDDDE ! »

Texte de Kamus

Le tueur aux charades

Cela faisait quelques mois que je suivais sa trace et malgré tout les indices qu'ils nous avait laissé, je sentais que nous étions encore loin de le coincer. Ce tueur en série est loin d'être un débutant, et même si ce n’était pas ma première affaire de la sorte, celle-ci était de loin la plus difficile de ma carrière.

Cela avait commencé il y 3 mois, le 18 février 2016. On m'avait appelé sur les lieux d'un crime. Une vraie boucherie. Une famille complète, un couple et leur fils, massacrés dans leur propre maison. La mère avait été égorgée, le fils poignardé, et le père avait été crucifié au mûr du salon.

D'habitude, je n'interviens pas dans cette partie du pays, c'est hors de ma juridiction, mais un message laissé par le meurtrier avait poussé les autorités locales à me faire venir. En effet, à côté du corps crucifié du père, se tenait un message, écrit avec son sang :

"Mon premier est le nom de l'homme le plus intelligent du pays"

La police locale avait de suite pensé à moi, car j’étais connu dans tout le pays grâce à mes succès dans les enquêtes les plus difficiles. Il est vrai que j'avais la réputation d'être le plus fin limier du pays. Mes prouesses dans la résolution des énigmes m'ont valu le surnom de l'homme le plus intelligent du pays.

Le tueur nous avait donc laissé une charade, et si la déduction des policiers était bonne, nous avions notre premier mot, mon nom. "Moore".

Cette charade n'était pas le seul message laissé par le tueur, il avait également laissé sa signature. Sous la charade, son pseudonyme. "Mat2016".

Un pseudonyme bien enfantin pour un tueur en série. On aurait dit un pseudo sorti tout droit d'internet, avec l'année actuelle dans celui-ci. Bien, après tout, il nous laissait aussi des charades, donc on avait pu deviner un trait de caractère assez puéril chez ce tueur en série.
Cependant, ces indices étaient trop maigres pour pouvoir en savoir plus sur notre tueur. Nous ne pouvions pas deviner le lieu, la victime ou même la date du prochain crime. Tout ce que le tueur avait réussi a faire, c’était de m'amener ici. Et je ne pouvais qu'attendre un autre message de sa part.

Ça n'a pas traîné, car une semaine après ma venue, un autre meurtre avait été commis. Cette fois, c'était dans une salle de classe d'une école pour fille. La victime était une adolescente, une élève de l'école. Comme le père du premier meurtre, elle avait été crucifiée au mûr. Le crime avait été commis durant la nuit, donc il n'y avait aucun témoin, juste un nouveau message écrit avec son sang nous attendait :

"Mon second est l'arme avec laquelle je tue, et je tuerais"

Et toujours sa signature, "Mat2016".

Le tueur voulait donc que nous trouvions l'arme du crime. Si on s'en réfère à son message, il n'utilise qu'une seule arme pour commettre ses méfaits. Et comme les premières victimes avaient été poignardées, il devait s'agir d'un couteau, ou d'un objet pointu.

Aucune arme n'avait été trouvée sur les lieux du premier crime, alors si le tueur voulait vraiment nous la révéler, il avait du laisser des indices, ou même l'arme en question.
Après quelques heures de recherches, celle-ci avait enfin été trouvée, dans la petite rivière qui voisinait l'école. Une dague. Une petite dague toute simple, sans aucun artifice. Elle avait été analysée, mais comme elle avait été jetée dans l'eau, elle n'avait plus aucune empreinte sur elle. Impossible d'en trouver la provenance, car elle était artisanale.
Encore une fois, nous n'avions aucun indice. Le tueur ne laissait ni empreintes, ni aucune autre preuve qui nous laisserait une piste. L’enquête piétinait, et tout ce que nous pouvions faire, c'est de sensibiliser les habitants de la ville sur le danger que représentait ce tueur en série, afin qu'ils se protègent du mieux qu'ils peuvent et qu'ils évitent de sortir seuls la nuit.

Malgré ça, un autre meurtre avait eu lieu. Cette fois, dans une église. Le prêtre avait été lui aussi crucifié au mûr de ce lieu saint, après avoir été préalablement poignardé, sûrement avec une dague. Comme d'habitude, aucune empreinte et comme d'habitude encore, un message avait été laissé par notre tueur en série :

"Mon dernier est le nom de ma prochaine victime et mon tout en est le lieu. Mat2016"

Cette fois, il y avait 2 messages en un mais, c'était curieux, car dans une charade, on ne dit pas "mon dernier", il aurait du dire "mon troisième". C'était peut être une erreur involontaire, mais mon expérience m'avait dit de garder ça en tête en tant qu'indice.

La charade était complète, le tueur nous avait donc laissé le nom de sa prochaine victime, le lieu, et l'arme du crime. Et comme il m'avait fait appeler, c'était un défi qui m’était adressé personnellement.

Pour mieux réfléchir, je m'étais isolé dans un des bureaux du commissariat local. J'avais inscris la charade complète sur un tableau et j'avais commencé à réfléchir.

"Mon premier est le nom de l'homme le plus intelligent du pays"
"Mon second est l'arme avec laquelle je tue, et je tuerais"
"Mon dernier est le nom de ma prochaine victime et mon tout en est le lieu."

Le premier, si le raisonnement des policiers était correct, est "Moore".
Le second, la dague. Dans la langue locale, "Dagger".
Le troisième est plus difficile. Il n'y a aucun indice pour trouver le nom de la prochaine victime. Alors, il vaut mieux trouver le tout avant tout, et quand nous l'aurons, nous aurons automatiquement trouvé le nom de la prochaine victime.
Comme il s'agit d'un lieu, j'ai commencé à chercher tous les lieux contenant "MooreDagger", puis j'ai cherché dans les employés ou les habitants de ces lieux si leur noms se trouvaient aussi dans le nom de ces lieux. Et il n'y en avait qu'un.

"MooreDagger Books", une bibliothèque située en périphérie de la ville. Son responsable, et propriétaire s'appelait George Books. Un nom qui allait bien avec sa profession.
en suivant mon intuition, la police avait mobilisé quelques ressources afin de protéger les lieux, et Mr Books. J'avais également proposé mon aide.

Et me voilà donc sur les lieux, attendant que le tueur daigne se montrer. J'avais résolu son énigme, j'avais donc remporté le défi qu'il m'avait lancé. Maintenant, j’espérais qu'il ait le courage de se rendre.

On avait attendu plusieurs heures, sans que personne ne vienne, ce qui m'avait laissé le temps de réfléchir. L’indice qu'il m'avait laissé trottait dans ma tête. Pourquoi "mon dernier" et non "mon troisième"... Et pourquoi crucifiait t-il ses victimes ? Son pseudo enfantin ne collait pas du tout avec cette méthode qu'on trouvait dans la bible...

Et si ce n'était pas un pseudo ?

Tout s’éclaircissait dans ma tête, mais pour être sûr, il fallait que je trouve un livre qui allait confirmer mon hypothèse. Une bible. J'avais demandé à Mr Book s'il avait une bible dans son établissement, et il m'avait indiqué une pièce isolée dans un recoin de la bibliothèque, ou il y avait tous les livres traitant de la religion.
Je m'y étais rendu, et j'avais trouvé une bible.

Le tueur crucifiait ses victimes pour me mettre sur la voie. Le fait que la troisième victime était un prêtre aurait du aussi me mettre la puce à l'oreille. Et enfin, "Mon dernier" était bel et bien un indice et non une erreur.

Son pseudo, Mat2016, n'avait rien d'un pseudo enfantin. Il s'agissait également d'un indice.
Mat est le diminutif de Matthieu. 2016 n'était pas l'année dans laquelle nous étions. C'était une référence biblique. Il voulait m'indiquer une phrase. Dans la bible, dans l’évangile selon Matthieu.

Chapitre 20. Verset 16.

"Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers."

C'est pour cela qu'il avait utilisé "mon dernier" et non "mon troisième".

"Mon dernier est le nom de ma prochaine victime".

Le dernier devient mon premier.

"Mon premier est le nom de l'homme le plus intelligent du pays"

C'est moi. Je suis sa prochaine victime. Tout était calculé dans le but de m'attirer ici. Il fallait que je rejoigne les autres.

Mais, alors que je me dirigeais vers la porte, celle-ci s'était ouverte. Monsieur Books était venu à ma rencontre. Alors que je me dirigeais vers lui pour l'avertir, il avait sorti une dague.
Il affichait un sourire narquois.
J'avais enfin trouvé notre tueur en série, dommage, j'avais été moins malin que lui. L'homme le plus intelligent du pays, c'était lui. Le dernier était bel et bien le premier.
Alors qu'il m’enfonçait sa dague dans le cœur, je lui soupirais à l'oreille :

"Bien...joué."

Texte de Kamus
Tales of Ivy, notre partenaire, a réalisé une vidéo où est contée cette histoire. Pour y jeter un oeil, c'est par ici.

Ubloo (Partie 5)

Partie 1
Partie 2
Partie 3
Partie 4
Partie 4.5
Partie 6


Les mèches de ma frange, emmêlées en touffes informes, collaient à la petite partie de mon front qui n'était pas couverte par le bandeau me cachant les yeux. Principalement à cause de la sueur, mais aussi de la poussière et de la crasse qui s'accumulaient depuis le mois et demi où je vivais dans ce putain de trou insalubre.


Je me suis relevé de là où j'étais agenouillé pour éviter d'avoir des crampes aux cuisses, et me suis mis à légèrement chanceler, ma tête se mettant à tourner à cause du mouvement brusque et du sang qui remontait brusquement. S'ils ne nous donnent pas bientôt à manger, je ne pense pas pouvoir survivre au prochain voyage.


Mes genoux ont fait un petit craquement lorsque je me suis à nouveau assis. A travers la porte en bois grinçante, je pouvais entendre des cris parmi des sons stridents en rythme. Qu'est ce que c'était aujourd'hui ? Un manche de balais ? Une batte de cricket ? Quoi que ça puisse être, ça sonnait comme un instrument léger. Je me suis toujours dit qu'il était étrange que ce soient les choses les plus légères qui faisaient le plus mal quand on vous frappait avec.


Les bruits de frappement persistaient. J'ai entendu quelques mots étouffés, échangés avec colère. Il y a eu des bruits de frottement, un craquement, puis le son de pieds qu'on traînait au sol.


La porte s'est ouverte avec fracas, et j'ai entendu un bruit sourd sur le sol au milieu de la pièce, là où ils avaient jeté Mitch.


Les gardes ont échangé quelques mots en arabe, puis j'ai senti qu'on arrachait mon bandeau. La lumière m'aveuglait même dans cette hutte obscure. Ils m'ont brutalement relevé tandis que je voyais les contours de la pièce se préciser. Ce visage devant moi ne m'était pas familier. Celui-là était nouveau. Il se tenait devant moi, habillé avec des vêtements propres, la barbe bien taillée et pointue.


Nous avons soutenu nos regards pendant un moment, puis il a souri, dévoilant quelques dents manquantes.


« Nous allons garder meilleur pour toi » a-t-il dit avec un fort accent arabe.


Ensuite, ils m'ont emmené dans l'autre pièce. J'ai entendu la porte se claquer derrière moi. Puis, ils m'ont jeté au milieu.


Je me suis retourné afin de jeter un coup d'œil aux environs. Le traducteur me fixait depuis le coin de la pièce, visiblement frustré. Les deux qui m'avaient jeté et le nouveau restaient près de la porte, me dévisageant simplement.


Le nouveau a formulé quelques mots en arabe, langue avec laquelle je commençais maintenant à me familiariser. Puis, ils se sont avancés, ont mis chacun une main sous mes épaules et m'ont installé sur une chaise. Le premier m'a contourné et l'a stabilisée, l'autre faisait lentement les cent pas devant moi. Ce rituel... J'étais désormais bien habitué à tout ça.


Je l'ai regardé droit dans les yeux, ne détournant pas le regard un seul instant. Il avait l'air particulièrement énervé aujourd'hui.


Le nouveau a crié un bref mot en arabe, qui aurait tout aussi bien pu être le son d'une cloche sur un ring de boxe, et le garde énervé s'est exécuté aussitôt.


Il m'a porté deux puissants coups dans le ventre qui m'ont plié en deux, le souffle coupé.


« Comment les Américains prévoient-ils de prendre la ville ? Quand vont-ils attaquer ? » a demandé le traducteur.


J'ai répondu par un silence de cathédrale.


Une explosion a retenti dans la partie gauche de ma tête : on venait de me frapper sur l'oreille, paume ouverte. Le sifflement dans ma tête s'est déclenché instantanément.


« Quels planques ont-ils découvertes ? Où pensent-ils que nous nous cachons ? »


Toujours le silence, puis un coup fort sur ma cage thoracique, suivi d'un autre coup rapide sur la tempe qui a brouillé ma vision.


Ça a continué comme ça pendant quelques minutes. L'interrogatoire, incessant, répétitif, le passage à tabac, les halètements, et ma lutte pour rester conscient. Pourtant, sans que je puisse me l'expliquer, le nouvel arrivant m'inquiétait toujours.


Lorsque l'homme énervé a été à bout de souffle, j'ai entendu quelques mots en arabe venant du coin de la pièce. Ma tête pendait inerte sur mon ventre avec des va-et-vient incontrôlables.


La porte s'est ouverte. Bien, c'était enfin terminé.


Mais j'ai alors entendu des bruits de pas derrière ma chaise, celui qui me retenait en place s'est dirigé vers l'autre pièce.


Sans son appui pour me maintenir, je me suis effondré sur le sol, luttant pour arriver à respirer. J'ai ouvert mes yeux juste au moment où ils ont traîné Danny de force à l'intérieur de cette salle. Ils ont délié ses mains et l'ont amené sur un fauteuil où le traducteur s'asseyait habituellement. Puis, ils ont à nouveau lié ses mains et chevilles aux bras et aux pieds du fauteuil.


Lorsqu'ils ont terminé, ils se sont dirigés vers la salle des gardiens, qui était hors de portée pour voir ce qu'ils trafiquaient. Je regardais Danny qui examinait les lieux, les personnes à l'intérieur de la salle, puis il a baissé son regard dans ma direction, pendant que le nouveau restait de marbre contre le mur en caressant l'extrémité de sa barbe. 




Les bruits de pas sont revenus de la salle des gardiens, accompagnés de tintements de verre. Le premier à rentrer était celui qui tenait habituellement ma chaise. Celui-ci a installé une petite table près de moi. Puis est arrivé le cogneur qui a posé sur le sol une bouteille d'eau si froide que l'eau avait déjà commencé à se condenser, il y avait également une assiette avec du pain et de l'agneau. L'agneau était froid aussi, mais je pouvais déjà sentir l'odeur qui s'en dégageait de là où je reposais sur le sol, privé de tout moyen d'agir.


Ensuite, les deux hommes se sont dirigés vers un placard et l'ont ouvert. Je les ai entendus prendre quelque chose mais je ne pouvais rien discerner étant donné ma situation. Ils l'ont fait traîner au sol et ont bricolé je ne sais quoi avec. Puis ils se sont encore affairés un moment dessus, toujours sans que je puisse distinguer ce qu'ils faisaient, j'ai ensuite entendu le bruit de quelque chose paraissant lourd qu'ils avaient fait tomber, et enfin ils se sont approchés de l'endroit où j'étais et m'ont soulevé pour me remettre sur la chaise.


J'ai relevé la tête et me suis forcé à ouvrir les yeux. En face de moi, me fixant, se trouvait Danny. Son regard est ensuite tombé sur la table à mes côtés, tout comme le mien. J'ai observé le récipient d'eau et l'assiette avec l'agneau et le pain qui étaient si proches que je pouvais presque les savourer. Je savais que c'était pareil pour lui. Puis, du coin de l'œil, j'ai vu ce que les deux gardes trafiquaient depuis tout à l'heure.


Il y avait contre le mur de la pièce un générateur. Un câble le reliait à une grosse machine noire qui possédait un long tuyau d'arrosage, terminé par ce qui ressemblait à un arrosoir. Je fixais du regard tout le système avec stupéfaction. Puis, un des gardes s'est avancé vers le générateur et a branché le câble. La machine s'est activée, vrombissant et laissant couler les premiers jets d'essence. J'ai vu le tuyau qui gigotait depuis la machine noire jusqu'en dehors de la salle et, avec horreur, j'ai réalisé.


C'était un Karcher.


Le nouveau s'en est approché lentement et a pris l'embout noir du tuyau qui crachait l'eau. Il l'avait dans ses mains lorsqu'il s'est accroupi en me regardant droit dans les yeux.


« Imma 'an tashrab, 'aw yafeal » a-t-il annoncé avec un sourire sadique.


J'ai jeté un regard avec inquiétude au traducteur, qui paraissait lui-même effrayé.


« Il dit « soit tu bois, soit c'est lui qui s'y colle » »


Il s'est dirigé lentement vers Danny qui était toujours attaché, s'est retourné, m'a observé un instant
avec ce même sourire sadique tout en approchant l'extrémité du Karcher à quelques centimètres du mollet à découvert de Danny, et a appuyé sur la détente.


L'odeur de l'eau chaude et les hurlements stridents ont emplis la pièce. Je restais assis en fixant avec horreur la puissance des jets d'eau qui arrachait petit à petit la chair de sa jambe. Une flaque de bouillie et de sang s'accumulait sous son pied et éclaboussait son autre jambe.


Après cette torture qui avait duré environ 5 secondes, ça s'est arrêté. Les cris de Danny résonnaient dans la pièce sans aucun obstacle pour les arrêter, pénétrant au plus profond de mon esprit.


Le nouveau a fait un signe de la tête aux gardes, ils se sont baissés derrière moi et ont coupé les liens qui entravaient mes poignets. J'ai mis mes mains devant moi et me les suis frottées là où la corde avait frotté sur la peau jusqu'à la mettre à vif.


Il me fixait avec un large sourire.


« Shurb »


Le traducteur s'est tourné vers moi.


« Il dit « boit » »


J'ai baissé mon regard vers la bouteille d'eau puis je l'ai regardé de nouveau. Il souriait.


J'ai lentement descendu ma main vers l'eau.


Il a ensuite crié un truc en arabe qui m'a fait sursauter et par la même occasion a fait reculer ma main.


« Il dit : « pour chaque gorgée vous devez répondre à l'une de mes questions » »


Je me suis retourné vers le traducteur qui commençait également à sourire.


A ce moment, j'ai compris le jeu.


« Et si je bois et que je ne réponds pas ? » lui ai-je demandé


Il y a eu un rapide échange en arabe, qui s'est ensuivi d'une prompte réponse


« Alors il le fera » a répondu le traducteur tout en indiquant de la tête Danny, dont ses cris étaient maintenant devenus des gémissements. La tête baissée, il observait ce qui restait de sa jambe.


J'ai eu un serrement au ventre, et j'ai senti mon torse se raidir comme un serpent enroulé sur lui-même.


J'ai regardé l'homme qui tenait le Karcher, le suppliant avec mes yeux de ne pas me faire faire cela. Il m'a fait un sourire en retour, mais son sourire s'est progressivement estompé en un regard noir.


Il a pris le bout du Karcher et l'a élevé contre l'une des mains de Danny qui était attachée, et l'a mis
de nouveau en marche.


La pièce a en un instant été emplie une nouvelle fois d'humidité, de hurlements, et d'odeurs de plaies fraîches. J'ai essayé de réagir mais les deux gardes derrière moi m'ont immédiatement remis en place en me retenant par les épaules. Danny se débattait avec acharnement en essayant d'éloigner le haut de son corps de ce supplice. Ses doigts avaient des convulsions et des spasmes, semblables aux pattes d'une araignée blessée.


Après ce qui avait semblé duré une éternité, les jets d'eau se sont arrêtés. J'ai vu ce qui restait de sa main : des bouts de chair éparpillés et un os blanc pâle. Danny pleurait maintenant, son corps ne ressemblait plus à rien.


« SHURB » a crié l'homme


Je commençais aussi à pleurer.


« Danny, ils vont te tuer » lui ai-je déclaré en sanglotant.


Il haletait et fut pris de hoquets, il n'est pas parvenu à dire le moindre mot. Nous étions tous les deux assis là, ensemble, dans cette pièce en pleurant. A seulement quelques mètres, mais qui semblaient représenter des kilomètres.


« Je ne peux pas supporter ça. Je ne peux tout simplement pas rester assis là alors qu'ils sont en train de te tuer »


Le nouveau souriait une fois de plus. Il s'est lentement accroupi pour être à hauteur de nos yeux, uniquement pour s'imprégner de la situation.


« Nous étions d'accord, Jeff, a-t-il rétorqué au milieu de ses sanglots. On savait que ça allait arriver. Nous n'étions pas effrayés »



- Mais j'ai peur maintenant Danny, ai-je répondu en sanglotant de nouveau, réalisant ce qu'il était en train d dire. Je ne peux pas supporter ça. Je ne peux pas »


Danny a levé sa tête suffisamment haut pour me regarder dans les yeux durant un court instant.


« Fais-le. »


Je maintenais mes yeux fermées et pleurais à chaudes larmes, celles-ci déferlaient sur mon visage. J'ai levé mon bras gauche et ai envoyé un coup violent du revers de ma main sur le dessus de la table, projetant l'assiette et la bouteille en verre contre le mur et le sol où elles se sont brisées en morceaux.


Nous étions tous deux assis en train de pleurer.


Il y a eu un cri en arabe mais je n'ai pas pu le comprendre. J'ai levé mes yeux en adressant un dernier regard à mon meilleur ami. Un des gardes a sorti de sa ceinture une machette luisante. Je n'étais pas certain de l'identité de celui qui avait donné la machette au nouveau. De toute façon, ça n'avait pas d'importance pour moi.


Le Karcher s'écrasa bruyamment sur le sol, le nouveau l'ayant jeté avec colère, se saisissant de la machette à deux mains à la place. Il a continué de me désigner en hurlant en arabe mais je n'écoutais pas. J'étais plus occupé à profiter de chaque dernier instant que j'avais avec mon ami.


Un des gardes s'est approché et a attrapé Danny par les cheveux, en mettant sa tête vers le bas pour qu'il soit penché. Le nouveau ne souriait plus du tout. Il était furieux en me criant dessus en arabe et en agitant de haut en bas la machette comme un psychopathe.


Il s'est positionné du côté de Danny afin d'avoir un angle idéal. Il s'est retourné en me regardant dans les yeux, et a hurlé une nouvelle fois en brandissant la machette au dessus de sa tête.


« NON ! ARRÊTEZ PAR PITIÉ ! » ai-je crié dans cette cellule cauchemardesque et faiblement éclairée.


La machette s'est abattue en un éblouissant éclair métallique. Elle a frappé l'arrière du cou de Danny, et tout a explosé à cet instant.


« UBLOO! »


J'ai eu l'impression d'avoir crié avant de me réveiller. Comme toute cette histoire semblait encore réel, je sentais mon ventre vibrer et gigoter pendant que je me débattais pour m'asseoir.


Le vrombissement paresseux du climatiseur a remplacé mon cri, tandis que je restais assis à aspirer l'air froid dans le noir à grandes goulées. J'étais en sueur et haletant. Un frisson m'a parcouru l'échine alors que l'atmosphère étouffante du cauchemar était remplacée par la réalité sèche et froide.


La lumière à l'autre bout du lit s'est allumée, et les formes dans le noir se sont éclaircies.


« Est-que tu vas bien ? m'a demandé timidement Mary. Tu te débattais.



- Oui, oui, je vais bien, ai-je soufflé. Seulement un cauchemar ».


Il y a eu un long silence entre nous alors que je m'efforçais toujours de reprendre mon souffle.


« Ta captivité ? » a questionné Mary, effrayée.


Je me suis laissé retomber sur mon oreiller et ai mis mes bras au-dessus de ma tête.


« Oui » ai-je répondu.


Elle s'est rallongée puis s'est blottie contre moi en mettant sa tête sur mon ventre. J'ai baissé un de mes bras transpirants et l'ai placé autour d'elle en lui caressant l'arrière de sa tête. Elle a commencé à pleurer calmement.


« Hé, hé maintenant je vais bien, je suis là, lui-ai je assuré tout en levant ma tête afin de pouvoir la regarder dans les yeux. C'était juste un mauvais rêve ».


Nous sommes restés allongés durant un court moment en silence. Elle était en train de se calmer. Dans ma tête, je ressassais mon rêve. Qu'est-ce que c'était ce truc qu'il avait dit lorsque mon cauchemar s'est subitement terminé ? « Ubloo » ?


J'avais appris par-ci par-là quelques notions en arabe mais je ne me souvenais pas d'avoir déjà entendu ça. J'étais en train de me remuer les méninges. La porte de la chambre a alors grincé, s'entrouvrant à peine.


Ma femme s'est retournée sur son oreiller, alors que je m'asseyais et posais mes pieds sur le sol. Je me suis difficilement mis dessus, et me suis lentement approché de la porte, où je me suis accroupi.


« Pardon petit bonhomme, est-ce que je t'ai réveillé ? »


Il m'a fait un signe de la tête depuis le couloir, le visage à moitié enfoui dans sa peluche de labrador noir, malgré le fait qu'il était sûrement trop vieux pour y être encore attaché.


« Je suis désolé de t'avoir réveillé fiston, Papa a juste fait un mauvais rêve, c'est tout ».


Il a fait un autre signe de la tête et a fixé du regard le sol, inquiet et embarrassé.


J'ai soupiré.


« Dis-moi, pourquoi tu ne viens pas me tenir compagnie ? Je ne veux pas que Maman sache que je suis un froussard. Je ne suis pas aussi courageux que toi » ai-je annoncé par la fente de la porte.


Ses yeux se sont illuminés.


« D'accord Papa »


J'ai ouvert la porte et il est lentement entré d'un air endormi. J'ai ensuite refermé derrière lui, puis je l'ai porté et l'ai amené au lit en le mettant entre Mary et moi.


Elle m'a adressé un sourire au moment où je lui ai donné un oreiller, puis je me suis retourné pour éteindre la lumière.


Dans l'obscurité, mon fils a changé de position et a recouvert ma main par la sienne.


« Je t'aime Papa ». a-t-il dit d'une voix ensommeillée à travers la fausse fourrure de sa peluche.


J'ai souri.


« Je t'aime aussi Danny »





Les téléphones sonnaient tandis que des gens à moitié-éveillés déferlaient de droite à gauche au poste. J'ai ingurgité ma première gorgée de café, fronçant les sourcils au goût du liquide brûlé qui avait perdu son arôme.


« Salut Bill, bon boulot pour le café aujourd'hui mon pote ! » ai-je dis d'un ton sarcastique en passant devant son bureau.


« Merci Jeff ! » a-t-il répondu d'un air jovial, ne comprenant pas où je voulais en venir.


J'ai posé mon classeur sur mon bureau et ai bougé ma souris jusqu'à ce que l'écran de mon ordinateur s'allume.


Le visage de Thomas Abian me fixait du regard.


J'ai bu une grosse gorgée de café, et ai parcouru son dossier une fois de plus.


Résident à Stoneham, Massachusetts, c'était un praticien psychologue et si on en croit sa secrétaire, plutôt cher à consulter. Un jour, il a subitement tout quitté pour des raisons très mystérieuses, et est arrivé à Tawson, Louisiane avec une voiture remplie à rabord de saloperies,  de pilules et de bouteilles d'alcool vides, et a été retrouvé avec un flingue dans la bouche dans la maison hantée du coin.


J'ai secoué ma tête. Les nouvelles locales vont avoir une putain de journée bien remplie avec ça. Les fourgonnettes des médias sont déjà en train d'encercler le poste comme des vautours. Je suis seulement satisfait qu'on ait pu réussir à extraire le corps avant que le moindre d'entre eux n'ait eu le temps d'arriver.


« Salut, Jeff » ai-je entendu juste avant qu'un porte-documents s'abatte sur le bureau à côté de moi. J'ai levé mes yeux, c'était Reg, notre commissaire. « Le rapport d'autopsie de ton cadavre est arrivé.


- Bien, merci chef » ai-je répondu pendant qu'il partait en sirotant son café.


J'aimais bien Reg. C'était quelqu'un de clair et réfléchi, un ancien militaire comme moi. Cependant, je l'admets, il avait plusieurs années d'avance sur moi.


J'ai ouvert le rapport d'autopsie et ai commencé à passer en revue les données. Décès par une blessure fatale causée tir d'une arme à feu, ça ne pouvait pas être plus évident. L'angle du tir révélait que c'était un acte volontaire, la thèse de l'homicide était écartée...


Le dossier se poursuivait de cette manière, toujours sans aucun détail suspect, jusqu'à ce qu'une information précise retienne mon attention :
« Le corps de la victime présentait des traces notoires de stress cardiovasculaire ainsi que d'une privation de sommeil extrême. Ces symptômes sont également accompagnés de dégâts prématurés à certains endroits du foie, ce qui laisse suggérer une consommation abusive soudaine d'alcool. »


C'était étrange. Ok, la privation de sommeil peut s'expliquer avec l'Adderall. Bon sang, ce gars avait quand même environ dix ou quinze bouteilles vides uniquement dans sa voiture. La consommation d'alcool, j'aurais pu le deviner parce qu'il avait l'air de s'être envoyé une distillerie entière de gin sur son chemin, mais soudaine ?


Je me suis réinstallé sur ma chaise, puis me suis frotté la barbe de trois jours que j'avais sur le menton.


Pourquoi diable un docteur riche et fortuné aurait subitement tout quitté pour consommer abusivement de l'alcool et des pilules, et aurait fini son long périple en Louisiane ? Ça n'avait pas de sens. Je continuais de me frotter le menton, puis je me suis penché au-dessus du téléphone de mon bureau.


J'ai lancé une recherche sur google pour avoir les coordonnées des hôtels de la zone, en partant du plus proche de l'ancienne école. Au quatrième, à l'extérieur de Tawson, j'ai trouvé ce que je cherchais.


Le voyage fut court et agréable. Il n'y avait pas de circulation étant donné l'heure matinale, et j'ai juste réussi à capter la fin de l'émission radio sportive que j'avais l'habitude d'écouter lorsque j'étais en patrouille.


J'ai garé ma voiture devant l'entrée de l'hôtel, puis j'y suis entré. L'un des avantages d'être flic c'est qu'on n'a jamais besoin de se garer trop loin sur les parkings.


En franchissant la porte, j'ai ressenti un courant d'air frais climatisé à proximité de la réception. Puis, je me suis approché de la réceptionniste qui avait l'air calme. Elle venait d'envoyer un couple de personnes âgées vers leur chambre avec un employé qui portait leurs bagages. Lorsqu'elle m'a vu venir, elle m'a fait un sourire et ses yeux ont scintillé d'une éclatante teinte bleue.


« Bonjour M'dame, ai-je commencé. Officier Jeff Danvers de la police de Tawson, je crois qu'on s'est parlé au téléphone ?


- Oui officier, a-t-elle répondu avec un autre sourire séducteur. On vous attendait »


Elle a pianoté sur son clavier pendant quelques secondes puis a sorti une carte de chambre du tiroir à côté d'elle. Elle a regardé l'écran puis a enregistré le numéro du dos de la carte sur son ordinateur.


« Et voilà, a-t-elle dit en laissant glisser la carte sur le comptoir. Chambre 359, au coin de l'hôtel ».


J'ai souri en retour et pris la carte sur le comptoir. J'allais partir lorsque je me suis brusquement arrêté.


« 359, c'est une chambre à un angle ? ai-je demandé.


- En effet officier, c'est exact. »


Je n'ai pas bougé d'un pouce tout en réfléchissant pendant quelques secondes.


« La chambre la plus proche de la sortie de secours, n'est-ce pas ? »


Elle était un peu surprise par la question, comme n'importe qui l'aurait été.


« Oui, c'est correct. »


Intéressant. Alors que j'étais en train de m'éloigner, j'ai entendu sa voix perçante derrière moi.


« Officier ! m'a-t-elle lancé. Je me suis retourné et je l'ai vue me regarder fixement. Est-ce vrai que... Enfin qu'il est... ».


Elle a mis son doigt sur sa gorge et a fait un geste tranchant. Des images brumeuses de machettes me sont venues en tête.


« C'est classifié, mademoiselle » ai-je répondu dans un ton aussi calme que possible, puis j'ai pris l'ascenseur.


Il y a eu un bruit de sonnette lorsque les portes se sont ouvertes. La moquette ornée de rouge identique à celle de l'entrée recouvrait le hall de l'étage. Il y avait deux panneaux directement opposés devant l'ascenseur.


L'un où était inscrit « 301-325 » avec une flèche pointant vers la gauche et l'autre « 325-360 » avec une flèche indiquant la droite.


J'ai jeté un rapide coup d’œil dans les deux directions. Il n'y avait personne dans les environs. J'ai commencé ma longue marche dans le couloir menant à la chambre 359.


Les couloirs me foutaient les jetons. C'est un truc que je ne peux plus nier désormais. Je ne suis pas sûr de si ça vient du film « Shining » que je regardais avec ma mère lorsque j'étais gamin pendant les vacances d'hiver. Mais, si j'étais parieur, je dirais que ça m'a aidé à accentuer cette phobie. Je pense par dessus tout que c'est la sensation d'avoir seulement une direction où fuir si jamais on est poursuivi qui me fait ça. Un seul choix, aucune autre option possible.


Je suis arrivé devant la chambre 359 en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. J'ai pris une profonde inspiration, ai glissé la carte dans le mécanisme de la porte, ai vu la lumière verte s'illuminer, puis j'ai poussé la porte.


L'odeur du gin périmé m'a immédiatement empli les narines, comme elle emplissait la pièce. Les rideaux étaient tirés malgré le fait que le lit paraissait parfaitement intact.


J'ai allumé la lumière, puis j'ai remarqué que des bouteilles vides de gin traînaient dans la chambre. Parmi elles, il y avait quelques boîtes pour stocker la paperasse. Des dossiers de patients qu'il avait transporté avec lui sur la route ? Après avoir haussé des épaules, j'ai inspecté la chambre, enfilant une paire de gants blancs en caoutchouc.


Hormis les bouteilles, la chambre était assez bien rangée. Il y avait une petite pile de linge soigneusement pliée à côté de la fenêtre, des clés de voiture de rechange ainsi qu'une paire de chaussures neuve. J'ai ouvert les stores pour me rendre compte que cette fenêtre donnait directement sur la sortie de secours. Mes soupçons se révélaient donc être justes. Quelqu'un pourchassait ce type. Il avait planifié en avance tout son parcours s'il devait fuir, et eu la présence d'esprit de laisser ce plan en place lorsqu'il a quitté la chambre, au cas où il aurait oublié de le mettre de nouveau en place après un hypothétique retour. On ne peut qu'admirer la préparation. J'imagine que tout l'argent de ses revenus est dû à son brillant esprit.


J'ai ouvert la commode en remarquant qu'elle était vide. Il n'y avait rien sur les cintres dans le placard et rien non plus sur la moquette excepté les bouteilles de gin et une boîte de pilules vide.


Je me suis avancé au dessus du bureau pour ouvrir les tiroirs. Il n'y avait rien dans le premier. En tirant le second, j'ai senti quelque chose rouler. Il était rempli de balles éparpillées et d'Adderall. J'en ai saisi une pour l'examiner. Magnum, calibre .357, ça correspondait à l'arme utilisée. J'ai rangé la cartouche dans le tiroir et j'ai ouvert celui du haut. Mes yeux se sont écarquillés à la vision de son contenu.


Lentement et avec précaution, j'ai saisi le cahier. Je le tenais dans mes mains et l'ai inspecté pendant quelques secondes pour m'assurer qu'il était bien réel. C'était un cahier bleu avec des anneaux et avec une inscription qui avait été griffonnée à la hâte sur la page de couverture.


J'ai entendu le parquet devant la chambre grincer. Je me suis brusquement retourné, voyant que quelque chose se tenait dans le couloir. Lorsque l'excitation de la découverte dans laquelle j'étais s'était estompée, j'ai vu qu'il s'agissait d'un homme. Il portait un pantalon marron avec des chaussures marrons reluisantes. Il avait des bretelles au-dessus d'une chemise blanche à col button-down qui s'harmonisait avec ses cheveux et son bouc. Je pouvais voir ses lunettes qui arrivaient à la moitié de son nez sur sa peau marron foncée. C'était un homme noir beaucoup plus âgé que moi avec ses pattes-d'oie bien visibles.


Nous nous sommes fait face en nous renvoyant nos regards, droit dans les yeux, puis il a baissé les siens sur ce que je tenais dans mes mains. Je l'ai imité. On pouvait lire sur la couverture :


« Journal personnel de Thomas Abian »

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