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Ubloo (partie 1)

Partie 2
Partie 3
Partie 4
Partie 4.5
Partie 5
Partie 6


Dans ma vie d'avant, j'étais psychiatre. Ou attendez, laissez-moi reformuler ça. Avant que ma vie s'effondre, j'étais psychiatre, et un bon en plus. C'est dur de déterminer ce qui fait un bon psychiatre, mais j'ai commencé à travailler dans ce domaine très tôt. J'ai acquis pas mal d'expérience dans mes premières années de métier, et il n'a pas fallu longtemps avant que je n'aie presque plus de clients que je ne pouvais en gérer. Je ne dis pas qu'une personne suicidaire pourrait venir dans mon cabinet et retrouver le goût à la vie en une journée, mais mes clients me faisaient confiance, et sentaient que je les aidais réellement ; je suis donc devenu très vivement recommandé, et mes tarifs étaient, je l'avoue, plutôt élevés. Ceci étant dit, j'étais habitué à des patients de classe sociale aisée.

Je ne suis pas sûr de comment la famille Jennings m'a trouvé, mais je suppose que c'est leur précédent psychiatre qui m'a recommandé, comme c'est parfois le cas. Quelqu'un que tu es incapable d'aider pour une raison quelconque rentre dans ton cabinet alors tu lui fais quelques recommandations. Un jour, j'ai eu un appel de Mme. Gloria Jennings, une vraie propriétaire de domaine, très riche, qui voulait que je travaille avec son fils, Andrew. Apparemment, Andrew venait d'épuiser à peu près tous les psychiatres de cet État, et j'étais de ce fait leur dernière option.

Andrew était un toxicomane typique avec comme poison de prédilection l'héroïne, et tout le monde dans mon domaine vous le dira ; ces personnes sont vraiment des plaies, quand il faut les aider. S'ils ne sont pas clean et étourdis, alors ils sont défoncés et déraisonnés. Au début, je ne voulais pas le prendre comme patient, mais Mme. Jennings m'offrait presque le double du prix à payer habituellement, alors je ne pouvais pas refuser. Ça a été la pire erreur de ma vie.

J'ai rencontré Andrew tôt un lundi matin. D'expérience, je peux dire qu'il est plus aisé de repérer les cas potentiels avant qu'ils aient l'occasion de se droguer. Dans le meilleur des cas, ils ne viennent même pas et vous gagnez une heure de libre. Mais Andrew était en avance de 15 minutes. Il avait vraiment l'air d'un héroïnomane. Des cernes sombres sous ses yeux verts, les cheveux ébouriffés, et une barbe négligée poussant sur son visage. Il avait l'air d'avoir la vingtaine. Il était grand et inexplicablement mince, et il portait des vêtements amples et simples qui ne faisaient que souligner sa maigre carrure. Je l'ai accueilli dans mon cabinet et lui ai proposé de s'asseoir. Il s'est assis et a commencé à frotter ses mains et à explorer mon bureau des yeux, en les bougeant avec une rapidité précipitée.

Afin de garder mon anonymat, je me désignerai par "Docteur A ".

« Alors, Andrew », commençais-je. « Je suis le Dr. A. Pourquoi tu ne me parlerais pas un peu de toi pour commencer ? »
Il m'a regardé
dans les yeux pour la première fois. Il a hésité un moment, puis a commencé à parler.

« Écoutez, ça fait genre la huitième ou neuvième fois que je fais ça, alors je vais aller droit au but. Ma mère a probablement dû vous dire que j'étais un drogué, et c'est vrai. Je prends de l'héroïne et de la cocaïne dès que j'en ai l'occasion. »
J'ouvrais ma bouche pour lui demander s'il avait déjà pris les deux en même temps, pour lui expliquer les dangers du mélange, mais il m'a devancé.

« Non, je les prends toujours séparément. Je ne suis pas un idiot », a-t-il dit.

« Je ne pense pas que tu sois un idiot », ai-je menti. « J'ai connu beaucoup de gens qui se droguaient à mon époque, fais-moi confiance. » Andrew n'avait pas arrêté de me regarder. Je me suis mis à l'aise dans mon siège et j'ai posé la question suivante selon ma procédure habituelle. « Pourquoi te drogues-tu ? »

« Eh bien, les nuits où je ne veux pas dormir, je prends de la cocaïne, et les nuits où je ne veux pas rêver, je prends de l'héroïne. » En même temps qu'il prononçait ces mots, il se frottait les mains, et son regard fixe se dirigeait vers le sol

« Les nuits où vous ne voulez pas dormir, vous prenez de la cocaïne ? » lui demandais-je, pour être certain de ce qu'il avait dit.

« C'est ça, Docteur. » a-t-il dit tout en gardant les yeux rivés au sol.

« Et pourquoi ne veux-tu pas dormir, Andrew ? »

« Parce que je ne veux pas voir Ubloo. » Il regardait de nouveau vers moi, analysant ma réaction à ces mots.

« Excuse moi, mais, qui est Ubloo ? » (ça se prononce 'Oo-blue') demandais-je avec curiosité.

Andrew a soupiré. « Ubloo est un monstre que je vois parfois dans mes rêves et qui les contrôle. »

« Et comment Ubloo contrôle-t-il tes rêves, Andrew ? »

« Eh bien, je ne sais pas si son nom est réellement Ubloo, ou si c'est comme ça qu'on l'appelle, mais c'est la seule chose qu'il sait dire. Et je sais qu'il les contrôle parce que jamais personne ne pourrait rêver de ces merdes qui arrivent dans mes rêves quand il est là, m'a-t-il dit. Il avait maintenant séparé ses deux mains et les gardait poings serrés, de chaque côté de sa chaise.

Ça commençait à être intéressant. J'ai décidé d'aller fouiller un peu plus loin dans cette voie-là, alors je lui ai posé cette question douloureuse ; « et de quelle sorte de choses as-tu rêvé ? »

« Écoutez, je ne suis pas fou. Ce n'est pas comme si j'allais juste me défoncer et commencer à rêver de ces trucs bizarres. Avant j'étais un athlète de haut niveau, et à l'allure où j'avançais, j'allais être diplômé comme major de ma promotion, avant que ce truc vienne m'emmerder. » Il s'énervait visiblement.

« Je ne pense pas que tu sois fou», ai-je encore menti. « Si je le pensais, j'aurais abandonné et t'aurais dit de partir. Je suis un psychiatre Andrew, je sais reconnaître un fou quand j'en vois un. » Cela semblait le calmer un peu. « Mais tu dois comprendre que je dois tout savoir avant de faire mon diagnostic. Alors je te le redemande ; de quoi as-tu rêvé ? »

J'ai vu qu'il se calmait, visiblement j'avais percé sa défense. « De choses terribles » , a-t-il dit. « Tout ce qui compte pour moi, tous les gens que j'aime, subissant des choses atroces. » Il regardait par terre à nouveau.

« Quel genre de choses, Andrew ? »

« Une fois ... » Il a dégluti péniblement. « Une fois, j'ai rêvé que j'étais bloqué à l’intérieur d'une cage, dans une cave que je n'avais jamais vue avant, et il y avait trois hommes masqués qui violaient et battaient ma mère. »

Cela m'a surpris, je tressaillais un peu et il l'a remarqué. J'étais en train de le perdre. « Continue, Andrew », disais-je d'une manière réconfortante, tout en masquant à la fois mon étonnement et mon intérêt.

« Elle m'appelait, et je pleurais, et à chaque fois qu'elle m'appelait ou criait à l'aide, un homme la frappait, et peu importe à quel point elle saignait, elle continuait de crier, et eux continuaient de la frapper et de la violer. »

À ce moment-là, je voulais l'interrompre et lui dire que les gens normaux ne rêvent pas de ça. Ce genre de rêves sont très rares, même parmi les plus gros psychopathes, et maintenant, je comprenais comment Andrew avait pu passer chez autant de psychiatres en seulement quelques années. Soit il était une bombe à retardement qui allait donner lieu au psychopathe le plus dangereux de l'histoire, soit il avait un nouveau trouble du sommeil encore jamais vu dans mon milieu. Les avantages de diagnostiquer un nouveau trouble étaient largement compensés par les inconvénients d'encourager un enfant qui pourrait potentiellement faire passer Ted Bundy pour un enfant de chœur.

J'étais chamboulé, mais j'essayais de rester calme. Dans ces situations, il est important de ne pas se perdre dans les détails, et de déterminer les faits. « Comment sais-tu que ce rêve a été causé par Ubloo ?» lui demandais-je.

« Parce qu'à la fin du rêve, je l'entendais toujours faire cet horrible bruit ; 'oo-blue !' » Il imitait le bruit aigu qu'un petit animal pourrait faire.

« Et tu entends ce bruit à chaque fois ? C'est comme ça que tu sais qu'il 'contrôle' ton rêve ? »

« Je l'entends à chaque fois, mais parfois, je le vois aussi, mais seulement une seconde, puis je me réveille. »

« Je vois. Andrew, tu pourrais me dessiner Ubloo ? » Je lui ai fait passer un bloc-notes et un stylo. Au début, il avait l'air confus, probablement parce que je croyais chacun de ses mots, mais il a pris le bloc-notes et a commencé à gribouiller. J'ai regardé ma montre, 20 minutes avaient passé. Pas mal. J'ai ensuite regardé le ciel par la fenêtre, c'était une teinte de bleu clair. J'entendais le stylo taper sur la table, et le bloc note glisser vers ma direction. J'ai regardé la feuille et j'ai senti mon cœur qui commençait à battre violemment.

La chose avait un long museau pendant, un peu comme la trompe d'un éléphant, avec une langue qui en sortait. Sa tête était dépourvue de traits, mis à part deux gros yeux totalement noirs, ovales et verticaux. Il avait six pattes et un torse long et fin. Il avait le dos voûté, les pattes arquées, l'articulation était située un peu au-dessus de son corps. Il pouvait visiblement se faire très grand s'il en avait besoin. Ses pieds étaient ronds avec six appendices sortants, disposés à égale distance les uns des autres comme les branches d'une étoile. Les deux pattes de devant étaient considérablement plus longues, et avaient seulement deux doigts extrêmement longs à chaque main, pointant vers l'avant. C'était inquiétant à regarder. Il n'avait visiblement pas d'attributs dangereux ; pas de griffes ni de dents, et pourtant, je ne pouvais me retenir d'avoir des sueurs froides en l'examinant.

Je me suis arraché à ma contemplation et ai levé les yeux vers Andrew, qui m'observait avec appréhension en attendant ma réaction. Je pensais avoir un diagnostic. « Andrew, je pense savoir ce qui ne va pas. »

Il n'avait pourtant pas du tout l'air soulagé. « Oh ? » a-t-il dit d'un ton monotone.

« Oui, je pense que tu as eu des r- »

« Des rêves lucides, ouais, je croyais aussi. » Je suis resté immobile, bouche bée. « Vous pensez que j'ai fait un cauchemar traumatisant impliquant ce truc, et maintenant à chaque fois que je fais un rêve lucide, mon subconscient l'introduit dans mon esprit, ce qui entraîne un scénario traumatisant indépendamment de ma volonté. »

Rarement au cours de mes 10 ans d'expérience, j'ai été sans voix, scotché, bouche bée. Andrew me fixait, et je le regardais sourire avec arrogance.

« Je vous l'ai dit Dr. A, je ne suis pas un idiot. J'ai fait des recherches sur ce genre de choses quand c'est arrivé pour la première fois. C'est pour ça que j'ai commencé à me droguer. J'ai appris que les opioïdes pouvaient supprimer les rêves lucides, et au début, ça faisait son boulot, mais malgré ça, il continuait de se faufiler dans mes rêves. Et plus j'en consommais, et plus fort il se battait pour pouvoir revenir. Alors j'ai essayé la cocaïne pour me garder éveillé, mais j'ai compris que ça faisait juste empirer les choses. Je restais éveillé trop longtemps, j'ai commencé à faire des micro-sommeils. Je ne savais pas si j'étais éveillé ou si j'étais en train de rêver, et il a dû s'en rendre compte. Vous voyez, quand il a commencé à m'apparaitre, j'étais plus ou moins conscient d'être dans un rêve. Cette impression de flou, vous savez. Mais quand je fais des micro-sommeils, les rêves sont incroyablement nets. Il l'a compris, docteur, il a compris que j'avais plus peur des rêves pendant les micro-sommeils, et il a d'une façon ou d'une autre, rendu tous les rêves aussi clairs depuis. »

Honnêtement, je ne savais pas quoi dire. Soit Andrew était complètement fou, soit il était tellement intelligent qu'il développait lui-même sa propre folie. Je lui ai posé la dernière question qu'il me restait.

« Quand as-tu rêvé
d'Ubloo pour la première fois ? »

« C'était juste après la mort de mon père », a-t-il dit, son regard se fixant encore une fois au sol. « Il s'est suicidé d'une balle dans la tête quand j'avais 17 ans. La nuit après ses funérailles, j'ai rêvé que je me tenais devant sa tombe, en regardant l'herbe. Tout était normal au début, puis j'ai entendu mon père. Je l'ai entendu crier au fond du trou, il appelait à l'aide, il me demandait de le déterrer, mais je ne pouvais pas bouger. J'étais paralysé. Je me tenais là et je l'écoutais frapper sur le couvercle de son cercueil, tellement fort que le sol tremblait, et je l'entendais crier de peur, mais je ne pouvais rien faire pour l'aider. Et puis, je l'ai entendu. 'Ubloo'. Puis je me suis réveillé. »

Je suis resté immobile à le regarder pendant un bon moment. Son rejet de la possibilité que ce soit un rêve lucide était impressionnant, mais ce n'est pas rare pour un enfant de lier un épisode traumatisant de sa vie à quelque chose d'imaginaire, pour mieux comprendre ce qu'il se passe. Je commençais à mieux le cerner

« Quand as-tu vu Ubloo pour la première fois ? » Il a hésité pendant une demi-seconde, mais a fini par parler.

« Une fois, j'ai rêvé de mon chien, Buster. J'étais derrière une grande haie, et je n'étais qu'un enfant donc je ne pouvais pas l'escalader. Buster était de l'autre côté d'une autoroute. Il était simplement assis là, à me regarder, et je savais, d'une manière ou d'une autre, qu'il allait essayer de traverser pour venir me voir, et je savais qu'il n'y arriverait pas. Il a couru sur l'autoroute et s'est
immédiatement fait écraser par une voiture. Je criais et pleurais, mais la voiture ne s'est pas arrêtée, elle continuait d'avancer. Buster était couché là, brisé et saignant. Il essayait de se relever, et de ramper droit devant, mais une autre voiture qui allait à toute vitesse l'écrasait encore. Et ça se répétait encore et encore. Je continuais de le regarder se faire écraser et déchiqueter en morceaux par ces voitures, ça ne s'arrêtait jamais. 
C'était la première fois que je le voyais. Je l'ai entendu dans mon oreille, 'Ubloo !', je me suis retourné, et sa tête était à un centimètre de moi, avec ces gros yeux noirs qui me fixaient. Puis je me suis réveillé. »

Il tremblait maintenant, et on pouvait voir qu'il était prêt à craquer. Je devais arrêter de le travailler.

« Ok Andrew, je pense que c'est le bon moment pour s'arrêter aujourd'hui. » Je me suis levé et ai pris mon bloc d'ordonnance sur mon bureau.


Andrew ne bougeait pas, et clignait des yeux. « Vous allez… Vous allez me donner quelque chose pour que ça s'arrête ? »

« Pour l'instant, je vais te donner quelque chose pour arrêter tes rêves, le temps que je puisse déterminer d'où ils viennent. C'est important que tu aies une bonne nuit de sommeil, pour t'aider à reprendre tes esprits. Je t'aide à t'aider à m'aider, compris ? »
Il a encore cligné des yeux. « Oui, j'ai compris, merci. Ils ont un nouveau médicament pour supprimer les rêves ? »

« Eh bien, techniquement non. Mais il y a un nouveau médicament appelé cyproheptadine qui est utilisé pour le traitement des rhumes des foins, mais qui a pour effet secondaire de supprimer les rêves, plus précisément les cauchemars, surtout ceux provoqués par un trouble de stress post-traumatique.

Je continuais d'écrire la prescription en silence, mais je pouvais sentir le regard d'Andrew qui me visait. 


« Mais je suis pas traumatisé, c'est à cause d'Ubloo. »

« Je sais Andrew », lui ai-je menti encore une fois. « Mais ça marchera tout aussi bien pour éloigner Ubloo de tes rêves. »

Ça lui allait droit au cœur. Il était fou de joie et a bondi du sofa. Il n'arrêtait plus de me remercier et de me dire que j'étais le meilleur docteur de tous les temps, et qu'il sentait enfin que la chance lui souriait. Je ne pouvais m'empêcher de sourire. Je suppose que c'est pour ce genre de satisfaction que je continue de tenir ce cabinet. Je l'ai accompagné à la porte et lui ai serré la main. Il m'a regardé droit dans les yeux, et il a souri pour la première fois depuis que je l'ai rencontré, puis il a quitté mon bureau.

C'était la dernière fois que j'ai vu Andrew Jennings vivant.

Une semaine a passé, et le lundi qui suivait, Andrew n'était pas venu à son rendez-vous. À ce moment-là, d'habitude, j'aurais lâché un soupir de soulagement, et j'aurai dit à ma secrétaire que je sortais pour prendre un café au bout de la rue, mais je ne pouvais m'empêcher de penser à Andrew. J'ai quitté mon bureau en disant à ma secrétaire qu'elle devait annuler mon prochain rendez-vous. J'avais dans ma main la facture d'Andrew Jennings de notre dernier rendez-vous, sur laquelle figurait son adresse.
Il était dans un appartement que sa mère avait acheté, en dehors de la ville. C'était à environ 15 minutes de route depuis mon bureau.

J'ai réussi à entrer par la porte d'entrée du bâtiment pendant que quelqu'un en sortait, puis j'ai trouvé le nom d'Andrew dans le répertoire. Son nom venait à peine d'être écrit, j'en ai déduit que ça ne faisait pas longtemps qu'il habitait ici. Sa mère l'avait probablement installé ici pour qu'il soit plus près de mon bureau, pour faciliter la communication.
C'était le dernier appartement au premier étage. Je me suis arrêté une seconde, réfléchissant à ce que j'étais en train de faire, mais ma curiosité l'a emporté sur ma raison, et j'ai tapé trois fois.

Pas de réponse. Pas un mouvement à l'intérieur. Après avoir écouté pendant un bon moment, j'ai tapé une fois de plus, plus fort.

« Andrew, c'est le Dr. A, tu peux ouvrir la porte s'il te plaît ? »

Toujours rien. J'ai alors essayé de tourner la poignée, et étonnement, elle n'opposait pas de résistance. Je pouvais sentir le poids de la porte glisser : elle était ouverte.

Je ne pourrais vous dire combien de temps je suis resté là, la main sur la poignée, à réfléchir. Je pensais à ce que les gens en diraient ; le docteur qui se permettait d'entrer dans l'appartement de son patient. Le docteur qui allait peut-être trouver son patient bourré d'héroïne ou ayant potentiellement fait une overdose. Une overdose d'héroïne, ou peut-être une overdose de ce nouveau médicament qu'il lui avait prescrit, à lui un drogué avoué, il y a une semaine de ça. Mais le pire, c'était de repenser à ces horribles rêves dont il m'avait parlé, alors que seul un morceau de bois nous séparait.

J'ai pris une grosse inspiration, et j'ai ouvert la porte.

La première chose que j'ai remarquée était que les ombres étaient estompées, et il n'y avait aucune lumière allumée, à part une lampe à faible consommation dans le coin. L'odeur de musc et de renfermé était prégnante. Il y avait aussi des aiguilles, des cuillères et des sacs en plastique vides posés sur la table.

J'ai traversé le salon, sans voir aucun signe de vie. Il y avait un couloir à côté du mur sur lequel le canapé était appuyé. J'ai pris mon téléphone et  ai allumé la lampe torche. J'ai progressé en silence dans le couloir. J'avais le souffle court, et mes mains tremblaient. Il y avait une porte grande ouverte directement à ma gauche. Prudemment, j'ai regardé dans le coin, pointant ma lampe torche à l'intérieur : c'était la salle de bains. Elle était assez sale, mais j'avais vu pire. Il n'y avait aucun signe de lutte, pas de vomi dans les toilettes, ni rien qui pourrait indiquer une potentielle overdose.

J'ai lâché un petit soupir de soulagement avant de retourner  dans le couloir. Il ne restait qu'une porte à ouvrir. Droit devant. Elle était complètement fermée, toute blanche, avec une poignée argentée. Je me tenais dans le noir, avec ma lampe torche, je cherchais un interrupteur pour allumer la lumière. C'était de vieux appartements. L'interrupteur devait être dans la chambre d'Andrew, derrière cette porte.

Me rendant compte que ça n'allait pas en s'améliorant, et ravalant mon stress, je commençais à avancer doucement, tout droit en direction de la porte. Chaque pas avait l'air d'un kilomètre. Mes pieds étaient maladroits et mes jambes étaient lourdes. Il semblait qu'une heure s'était écoulée le temps que j'atteigne la porte. Je me tenais devant la porte d'un blanc brut, que je fixais. J'ai levé ma main, et j'ai toqué légèrement sur le bois.

« Andrew ? » 


La porte a grincé et s'est entrouverte doucement vers l'intérieur. Je pouvais distinguer par la porte entrouverte la silhouette floue d'une personne, alors j'ai ouvert la porte complètement.

Andrew était à terre, son dos calé dans le coin de la pièce. Sa peau était pâle, ses yeux verts et brillants, ils fixaient la porte par laquelle je venais d'entrer.

J'étais immobile, et le regardais fixement, totalement choqué. C'était la première fois que je voyais un mort en dehors d'un cercueil. Il avait l'air tellement vide et sans vie. Je remarquais qu'il y avait du sang sur le tapis. Ses ongles étaient tout retournés, le bout de ses doigts ensanglantés, comme s'il avait gratté le sol à s'en briser les mains. J'ai tant bien que mal réussi à trouver l'interrupteur, et j'ai allumé la lumière. C'est à ce moment que je l'ai vu.

« LA FIN EST LE COMMENCEMENT »

C'était gravé profondément dans le bois, à côté de lui. Je l'ai fixé assez longtemps pour voir ce que ça disait, quand une odeur m'a percuté. L'odeur la plus nauséabonde que j'ai jamais sentie. Et c'est à ce moment-là que j'ai commencé à être pris de nausées, des nausées plus violentes que toutes celles que j'avais subies jusqu'ici..

J'ai pu courir jusqu'au couloir avant de rendre mon dernier repas. J'étais penché sur le sol, essayant de reprendre mon souffle, quand une vieille dame à quelques appartements de moi a ouvert sa porte et s'est exclamée en me voyant.

« APPELEZ LA POLICE ! » lui ai-je crié. J'ai entendu sa porte se fermer bruyamment et j'ai essayé de progresser du couloir jusqu'au hall d'entrée, en m'arrêtant à peu près tous les 20 mètres pour respirer.

Quand les gens des urgences sont arrivés, ils ont déclaré Andrew mort sans une hésitation. Ils devaient être habitués à ce genre de choses, parce qu'ils n'avaient pas l'air trop chamboulés par la scène.

J'ai fait mon témoignage à la police et leur ai dit qu'il était un de mes patients, et que j'étais venu voir s'il allait bien. Ils n'avaient pas l'air de me soupçonner de quoi que ce soit et m'ont dit que s'ils avaient besoin de quoi que ce soit, ils m'appelleraient. Je leur ai laissé ma carte de visite avant de regagner ma voiture. 


Au moment où je commençais à partir, le crissement des pneus d'une voiture s'est fait entendre dans le parking, et j'ai vu une femme sortir de sa voiture. C'était Mme. Jennings. Elle braillait et criait, et quelques policiers ont été forcés de la maîtriser.

« C'EST MON BÉBÉ ! MON DIEU, S'IL VOUS PLAÎT, NON ! » criait-elle pendant qu'elle se débattait pour passer devant les policiers. J'ai regardé la scène autant que je pouvais le supporter, puis je suis sorti du parking. J'ai appelé ma secrétaire et lui ai dit d'annuler tous mes rendez-vous pour la journée. Je me suis arrêté à un magasin d'alcool et ai pris une bouteille de whisky, puis je suis rentré chez moi. 


Je suis resté assis en silence pendant pas mal de temps. J'ai finalement allumé la télé et j'ai commandé à manger, mais quand mon repas est arrivé, je n'ai pas pu me résoudre à manger.

Il était déjà tard quand j'ai fini la bouteille. Je me suis levé et j'ai titubé jusqu'à ma chambre. J'ai quitté mes chaussures d'un coup de talon et je suis tombé tête la première dans mon matelas. Je suis resté allongé en pensant à Andrew ; à son corps inerte, calé dans le coin, me fixant avec ses grands yeux verts ; à ses derniers mots : « la fin est le commencement » résonnant dans mon cerveau. Mes pensées devenaient plus lentes et mes paupières plus lourdes. « La fin est le commencement », cette phrase se répétait encore et encore dans ma tête. 


Je me sentais m'assoupir, quand je l'ai entendu. Venant de nulle part et de partout à la fois.

« Ubloo. »





Traduction : Mhyn

Texte original ici.

2 commentaires:

  1. Je suis enfin ravie de lire un récit submergant et intriguant, dont la suite ne fait qu'être réclamée par tout mon être ! Très imergeant ainsi que touchant un concept peu travailler, on sent réellement les sujet "qui touchent les lecteurs d'une bonne tranche d'âge": la drogue, les rêves (lucides ou non d'ailleurs), le côté médical, la psychiatrie... C'est avec hâte et de ce pas que je m'en vais lire la suite !

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  2. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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